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Zen quotidien

Quand Facebook devient mystique…

… à la recherche de l’instant présent.

Les livres de spiritualité foisonnent de « phrases essentielles » et pour le moins ésotériques du type  » La vérité se niche au cœur de l’Instant  » (avec tout plein de majuscules en prime, car -on le sait- l’heure est grâââve et le sujet itou). Des sentences pour lecteurs inspirés résumant le sens de la vie de façon lapidaire. « La vérité se niche au cœur de l’instant « : on va retrouver cette maxime sur Facebook, incrustée dans des photos de chatons-mignons-en-train-de-roupiller, avec en surplomb le statut suivant « A mes amis, les vrais, ceux qui sauront se reconnaître »(?). Elle est généralement attribuée à Bouddha ou au Dalai-Lama lequel, soit dit en passant, est certainement beaucoup moins bavard qu’on ne le lui prête. Mais qui sait? La vérité se cache peut-être au cœur d’une de ces phrases en kit? Alors, à force de la voir défiler régulièrement devant mes mirettes, de l’entendre asséner dans des conférences religieuses de tout poil, je me suis senti le devoir de mener l’enquête. Et ayant (au siècle dernier) poursuivi des études de droit, il me semble aujourd’hui opportun d’utiliser la méthode juridique, à savoir: analyse lexicale des termes utilisés. En bref : « Ké-ki-dit Bouddha? ».

L’Instant, c’est quand à la fin?

FACEBOOK MYSTIQUE by SerenaDans le bouddhisme indien, la plus petite unité de mesure du temps est appelée Ksana. Elle équivaudrait à 1/75ème de seconde, soit moins d’un clignement d’oeil mais près de l’éternité par rapport à une nano-seconde. Pour simplifier, si un ksana valait une minute, on aurait le temps d’éternuer pendant une nano-seconde… Hum… Nous voilà toujours au point de départ de cette réflexion: où se cache l’instant? Dans une odeur de rose évanescente? Dans les moustaches d’un chat qui baille? Dans une goutte de rosée sur le bec d’un héron cendré? D’après moult sages et autres philosophes bouddhistes, l’Instant majuscule ne peut être mesuré par la conscience. Le fait même d’en parler ou de l’analyser ramènerait la quête au point de départ. Ou pour faire court: si on y pense, on y est pas. L’Instant serait-il alors comme le Saint Graal? Toujours cherché, jamais trouvé? (Avec un sourire farceur, ma chère copine E., me souffle en passant cette phrase de Jacques Lacan « Je pense où je ne suis pas par la pensée, donc je suis où je ne pense pas ». Si maintenant les psy s’en mêlent, les chemins d’interprétation vont se multiplier comme des petits pains… et la boulangère faire un nervous-breakdown! Mais cela montre aussi l’universalité du sujet… sinon sa clarté).

Et sinon, l’Instant, c’est où?

Chercher quelque chose qui n’existe pas, la quête aurait de quoi ravir le Don Quichotte qui sommeille en beaucoup d’entre nous. A cheval sur ma monture (encore appelée « coussin de méditation« ) j’ai souvent entendu cette petite voix intérieure me murmurer « Allez, reviens dans l’instant présent, bordel ! Arrête de rêver. » Outre le fait qu’elle a parfois un langage de charretier, cette petite voix résume en fait l’ensemble du problème: quand elle parle, l’instant se cache. Comme dans le jeu du chat et de la souris. Quand la conscience rationnelle gamberge, l’instant s’évanouit et se transforme en minute, ou en heures. Il y a plusieurs siècles -à la même époque que Maître Eckart ou que le poète soufiDjalāl ad-Dīn Rūmī- les poèmes du sage bouddhiste Maître Dôgen, effleuraient déjà l’indicible:

Les vagues meurent sur le rivage. Le vent léger retient son souffle. La barque abandonnée dérive doucement. Dans le silence de la nuit, La lune, au firmament profond, Répand sa paisible clarté

Maître Dôgen, San Sho Do Ei (les chants du pin parasol) – AZI éditions.

Quand Facebook devient mystique

Alors, à mesure que les instants s’égrènent à lire ou écrire cette chronique, la vérité se dissimule joyeusement. Au cœur du moment présent. Dans cet endroit –inconnaissable– où les mystiques du monde entier joignent leurs mains (Image Facebook de deux mains enlacées sur un coucher de soleil). Dans ce paradigme d’une méditation ruisselante d’inutilité. Dans un être humain qui ralenti, simplement, en cherchant l’instant, et prend -soudain!- conscience de l’immensité.

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